La vérité est-elle toujours bonne à dire ? - Victime de l’amour

La vérité est-elle toujours bonne à dire ? - Victime de l’amour

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Amour, PhiloSex

03 Jan 21

La première partie du titre, c’était le sujet de mon bac de philo 😬…
La deuxième, c’est ma conclusion aujourd’hui après quelques années de travaux pratiques 😂

Au début était la définition : “Assertion sciemment contraire à la vérité.”
Comme ça, ça à l’air drôlement méchant…
Mettons que le mensonge, ce soit occulter, déformer (minimiser, ou exagérer) déguiser la vérité. Avec en plus une petite idée de malice, d’intention de tromper. La question c’est : bah pourquoi faire ?
On a aussi un souci avec la subjectivité du deuxième terme : la vérité… Définition : “Connaissance conforme au réel”. Ah ok donc vérité, réalité, même combat, c’est pas gagné…
Comme le dit la chanson, “la moitié d’une pomme, c’est toujours une pomme, mais la moitié de la vérité c’est déjà un mensonge” 😆
Après, il y a les mensonges énormes, et les petits mensonges anodins. De toutes manières, à petite ou à grande échelle, ils ont tous la capacité d’induire une réalité disons au moins différente. Parallèle. Est-ce toujours un mal ?
On peut aussi se dire que la réalité n’existe pas, mais qu’elle n’est que ce qu’on en fait… (voir l’excellent documentaire ci-dessous que je vous ai dégoté en français).
Je distinguerai sciemment vérité et détails de la vérité, clairement inutiles à préciser, surtout si celle-ci fait déjà mal per sé.
J’éviterai aussi de jeter bêtement les menteurs dans le camp des méchants pour plutôt me faire l’avocat du diable en relativisant, et tentant qui sait, d’offrir au mensonge ses lettres de noblesse ?

Alors c’est quoi au juste le problème avec la vérité pour qu’on n’ait pas vraiment envie de la dire ?

1- C’est qu’elle nous déplait

C’est la base, et parfois, quelque part entre la mauvaise foi et la malhonnêteté intellectuelle, en passant peut-être plus simplement par la honte, on va inventer un truc gros comme une maison pour faire comme si ça n’existait pas. Pas vu - pas pris. Mouais, je vous l’accorde c’est difficile à défendre, et un peu puéril, mais bon on a tous ripé un jour… 😔

2- C’est qu’on ne l’assume pas : son propre regard

Masquer la vérité, ça peut aussi être qu’on n’est pas tout à fait clair avec soi-même. On fait des trucs, conviés par l’envie ou la cupidité, mais dans le fond on est pas très fiers. Donc on est en déni, en conflit interne avec ses propres valeurs. Donc si on n’est pas clair avec à soi-même, à fortiori, on l’est pas non plus avec l’autre. Donc on ment, la réalité est trop difficile à assumer.
Quelqu’un qui serait tellement imbibé de références romantiques genre Disneyland ou d’injonctions morales puritaines ne pourra pas se résoudre à reconnaître qu’il ne correspond pas au modèle. Donc il dissimulera la réalité pour se coller à un schéma interne.
Donc bien ou pas bien ? Bah… pas terrible, mais c’est pas le sujet. Il vaudrait mieux chercher à résoudre notre conflit, en rechercher les origines, l’essayer à un autre mode de vie… Par exemple, si je suis super bien avec mon compagnon, et que je l’aime et tout et tout, mais que je ne peux pas m’empêcher de me retourner sur une belle paire de fesses 😬... “Mais nan pas du tout, j’ai pas regardé !”… On en parle ? Dans ce cas-là c’est plutôt une opportunité pour explorer et approfondir cette vérité compliquée et apprendre à l’assumer, sans avoir peur de son propre regard, à fortiori de celui de l’autre…

3- C’est qu’on pense qu’elle déplairait : le regard de l’autre

Après, on peut assumer une vérité, sans pour autant qu’il nous soit facile de l’afficher. Ce n’est pas toujours facile de faire face à une désapprobation, c’est un peu déstabilisant, c’est notre amour propre qui en prend un coup… C’est vrai qu’on est comme ça… mais on est tellement plus beau dans l’œil de l’autre quand il nous admire, et qu’il est d’accord avec ce qu’on dit. Du coup on pourrait élimer un poil notre vraie personnalité, histoire de nous nous dorer un peu l’blason 😚
En même temps, si on avait en face une personnalité non jugeante (voir point 6), ce serait plus facile… Chacun a une capacité plus ou moins grande à vivre la frustration générée par le fait de provoquer chez l’autre un conflit : si je te dis la vérité, tu ne vas pas être très content.e, donc c’est ma propre image qui en pâti. Donc si c’est pas très important, ou si j’aime pas trop les conflits, j’aurai tendance à lui arrondir un peu les angles, à la vérité 😁.
“Allo, tu viens manger une pizza avec nous ce soir à la maison ?” Toi tu n’as pas envie, tu as besoin de te délasser devant la télé. Que réponds-tu ? “Non merci j’ai encore envie de fainéanter devant la télé” ? Non. Tu vas répondre : “Non je ne peux pas, parce que…”. Et puis là tu vas inventer…. Tu n’as pas le droit de dire “non”. Tu vas devoir JUSTIFIER l’émotion que TU crées chez l’AUTRE.
Franck Lopvet


4- C’est qu’on pense qu’elle plairait : le regard de l’autre - again

Parce qu’on aime le retour positif qu’il entraîne, ce petit mensonge… Quand on lui dit des jolies choses genre “t’es belle”, “je t’aime” ou “j’adore chez toi”… C’est pas qu’on le pense pas, mais c’est tellement joli quand elle sourit et rougit à ces mots doux, qu’on aurait tendance à se laisser aller à quelque flatterie. En même temps c’est pas parce qu’on fait des compliments qu’on veut une relation coulée dans le marbre ou qu’on veut se marier (c’est l’interprétation qui fait le mensonge, voir point 8) …
C’est mentir pour se voir briller dans l’œil de l’autre. Je ne pense pas que ce soit forcément conscient, les grands séducteurs se reconnaîtront là, et à leur décharge, ce n’est pas qu’ils veulent ordinairement “tromper pour obtenir quelque chose”, mais ils aiment donner, car ils aiment recevoir. Ce sont souvent aussi de très bons amants 😚. Alors ils s’emportent un peu et ils encensent sans peur, parce que c’est tellement bon de sentir qu’on fait plaisir. Et en plus, c’est bien connu, surtout dans ce sens là (homme->femme), une femme qu’on encourage vous le rend souvent au centuple…
Alors ? Coupable ou pas coupable ? Pas facile… Moi je dirais qu’il faut sonder un peu le personnage pour en comprendre le style, et de toutes manières ne pas trop se perdre dans ses paroles alléchantes au point d’en laisser tomber son fromage (tel Maître Corbeau). S’aimer c’est d’abord son boulot à soi avant d’être celui des autres. Après, enjoy la douceur… 😏

5- C’est que c’est une solution de facilité, et que parfois c’est pas si grave

“Ça mange pas d’pain”, comme on dit… Petits mensonges anodins…
“Ah mais non je peux pas déjeuner aujourd’hui, j’ai réunion, ah c’est vraiment con…”
Parce que sortir son épingle du jeu avec une pirouette est plus commode que d’affronter la discussion, qui parfois aurait juste lieu parce que les protagonistes sont sur les dents pour une raison ou une autre, et franchement de temps en temps tout le monde en sort gagnant. Quelque temps après la bataille, on peut même en rire (très bien ça l’humour pour dédramatiser le mensonge 😉). En même temps c’est délicat et subtil, voire respectueux. Á l’autre d’être suffisamment fin, à la troisième tartuferie, pour ne pas insister, c’est élégant…

6- C’est qu’on est poussé au delà de nos limites par un amour conditionnel

Ha, alors là c’est du lourd… eh oui, si finalement c’était de la faute de l’autre ?!?
De quoi on parle d’abord, c’était quoi le contrat, et cette réalité qu’on veut me soustraire ? Suis-je libre d’avouer sans me désavouer ? M’a-t-on imposé une vérité avec laquelle dans le fond je ne suis pas tout à fait d’accord ? Que je ne peux que vivre en cachette ? Est-ce que l’autre, à grand renfort de chantage affectif m’a imposé des règles que je n’arrive pas à suivre, même si je l’aimais tellement que je lui ai dit que j’étais d’accord ? Alors je mens, car c’est ça, où la fin de notre histoire. Parfois il est difficile de rester à la fois fidèle à soi-même et à l’autre…
Alors ? À qui la faute ?
À l’autre, indubitablement. Il est très difficile de faillir à cette attente, à cette barre haute qu’on a pensé que je méritais ; on pourrait dire que c’est lâche, mais peut-être que la tâche est trop ardue.
Là, c’est l’autre qui n’est pas assez tolérant, car il ne veut pas voir, il ne veut pas accepter que moi je suis différent, que j’ai besoin de faire ceci, ou de ne pas le faire, sinon c’est moi-même que je désavoue. Mais moi je l’aiiiiimeeeee. Alors quel choix me reste-t-il ? Te désavouer ou me désavouer - c’est pas cool. Tu m’imposes une règle dans la relation indépendamment de ma capacité à pouvoir la respecter, la tolérer.
Égoïsme ? Besoin de stabilité ? Faiblesse du menteur au moment de se voir imposer un point de vue ? Difficile à dire, surtout que ça peut changer dans le temps…
Peut-être que, quand on soupçonne ou qu’on découvre un mensonge chez l’autre, c’est un bon moment pour se remettre soi-même en question et réfléchir aux ultimatums et impératifs qu’on lui a imposé, convoquer la bienveillance qui est au sein de notre amour pour lui.elle, et comprendre, pardonner, assouplir. En tous cas parler. Le mensonge de l’autre, c’est un signe qu’on a dépassé les limites. Il faut faire confiance au mensonge, accepter qu’en cas de mensonge c’est peut-être moi qui suis allé.e trop loin. Si j’impose à l’autre quelque chose qu’il n’est pas à même de respecter, j’ai cherché le mensonge, c’est de ma faute.

Confiance, transparence, authenticité, bienveillance, honnêteté, fidélité, sincérité et loyauté.
On veillera cependant à ne pas mettre dans le même panier tous ces concepts…
La transparence, l’authenticité ou la sincérité sont des revendications qui s’opposent à la confiance. Déjà ça pue…
Honnête, fidèle, loyal sont des valeurs qui dans l’absolu n’ont pas de sens. Elles doivent s’appuyer sur une vérité, un principe, une règle. Qui est forcément subjective, tant qu’elle n’est pas accordée, ou consentie à demi-mot entre les parties (“Qui ne dit mot consent” ?!? C’est quoi ce proverbe débile, décidément il est vraiment temps de changer de siècle 😡).
Et quand bien même.
Ce sont des exigences qui reflètent la peur de ne pas pouvoir maîtriser l’autre. On croit que si l’autre est tout ça, alors on se laissera moins surprendre, c’est comme si on avait souscrit à une assurance - satisfait ou remboursé, sans franchise. C’est l’illusion de l’hégémonie que nous confère le couple EMU (Exclusif, Monogame, Ultime cf Richard Mèmeteau). L’annihilation du risque, mais aussi de la surprise, de la spécificité de l’autre dans sa différence d’être, sa possibilité d’action et de réaction, de devenir (T’approche pas trop je t’aime).
On pourrait parler de confiance bienveillante… J’aime bien moi confiance bienveillante… ça veut dire “tu sais que je sais, c’est pas trop grave, mais faut pas pousser”. C’est le flou, la marge de manœuvre, l’ivresse autour de la relation qui permet la souplesse, l’indéfini, le possible, la liberté de s’essayer autre, l’inédit, mais en prenant aussi l’autre en compte, avec bienveillance, respect.

7- C’est qu’il n’y a plus que les meubles à sauver

Le menteur, un ami qui vous veut du bien...
Parfois la vérité fait trop mal. Eh oui, “je pars parce que j’t’aime plus”, ou “parce qu’en fait le sexe avec toi c’est nul”, c’est pas sympa à dire, et franchement ça n’apporte rien. Parfois, on peut mentir un peu pour protéger l’autre, sachant que la réalité principale (j’te quitte, ou je reste avec toi) reste inchangée mensonge ou pas, on peut se passer des détails futiles mais blessants (“On a couché ensemble dans notre lit” 😂😂😂). Parfois on peut même s’égarer vers le point 5 (“Nan mais en fait t’es trop bien pour moi 😇”)… mouais… ça peut marcher mais c’est pas très net, ça peut créer des zones/périodes de confusion/transition plus ou moins longues et pénibles, mieux vaut un bon vieux coup de sparadrap…
On évitera aussi de dévoiler une raison qui gâcherait l’idylle, ou son souvenir, gratuitement.
On peut également faire un petit un retour rapide sur le point 6 pour ce qui est d’avoir été poussé dans ses retranchements, ou au 3, quand l’autre n’est pas en mesure non plus d’écouter…
CQFD, une fois de plus c’est de la faute de l’autre 😅

8- Parce que la vérité n’est pas la même pour tout le monde

La vérité n’existe que pour celui qui l’énonce : interprétation quand tu nous tiens…
“Notre capacité à créer notre Réalité réside dans le fait de voir que ce que l’on vit est lié aux ressentis face aux formes, aux ressentis face aux expériences, aux évènements qui apparaissent dans la réalité. Ce n’est pas l’évènement qui crée mon état d’être, mais comment je me “ressens” face à l’évènement.” Lopvet, again.
Si je te dis que tu es beau, c’est une vérité subjective. Il est clair que mon amour pour toi filtre (philtre ?) ton image.
D’un autre côté, s’il me dit des mots gentils, c’est sans doute parce qu’il m’aime bien. Mais si je suis amoureuse, j’y mettrai un sens plus fort. S’il arrive un jour à nier ce sens (celui que j’ai interprété), alors penserai-je qu’il me ment ?!
Si découvrant un nouveau zgeg je m’exclame “O.M.G!!”, dire, pas dire, laissez croire, c’est mal ? 🙄 (Et vous pensiez que je pensais quoi vous, d'abord ? 😂😂)
On est dans le flou : ce que j’exprime, ce que tu reçois, à la lumière de nos sentiments, de notre ressenti. J’entends déjà les accusations façon comédie grecque “il m’a menti !!!” “c’est qu’un dragueur, il a obtenu ce qu’il voulait !”, “elle avait l’air de vouloir s’engager et maintenant elle répond plus”…
C’est toute la difficulté de l’interprétation d’une relation quand des sentiments commencent à en troubler le jeu. Le désir est tellement fort qu’on peut être amené à perdre le rapport avec la réalité. La réalité de l’autre. La réalité de la relation telle qu’elle est objectivement entre nous, et celle que notre désir nous pousse à projeter, ailleurs.
Et parfois aussi, même si ça serait sûrement plus commode et moins angoissant que ce fût le cas, la relation n’est pas définie, cadrée, et on ne sait tout simplement pas où on en est, ni soi-même, ni la relation, ni l’autre. Donc sous pression (ou pas) on peut dire des trucs comme ça qui ne sont peut-être pas tout à fait vrais.
Les choses sont en évolution, pas tout à fait définies, en passe d’être, pas finies d’être, en devenir…

9- Parce que la vérité change avec le temps…

On a tous dit des choses qu’on pensait pas. Et on dit encore des choses qu’on pensera plus. C’est pas vraiment qu’on ment. C’est que la pensée, ça change. Comme tout le reste d’ailleurs. “Y’a que les idiots qui ne changent pas d’avis” pour une fois qu’y a un proverbe pas trop con…
Ce qui m’amène tout droit à parler des relations en ligne et de leur donne différente : engagement plus léger, volatilité plus grande. Ça commence au like, qui restera peut-être juste un coup de cœur, puis on va peut-être jusqu’au chat, qu’on laisse en suspens, ou au rendez-vous qui n’aura peut-être pas de suite. Et quand bien même s’ensuivront quelques RDV, ces relations seront longtemps portées par la légèreté sur laquelle elles ont été construites. Et la fin glisse souvent sans drame vers une évaporation. Alors, cela veut-il dire qu’avant l’évaporation on mentait ? Qu’on est pas franc du collier et qu’on évite de faire face à la réalité ? Et toi tu *ghostes ou tu *friendzones ? (Prochain article à venir, promis).


10- Les types de menteurs

Évidemment, il y en a qui sont plus enclins aux mensonges que d’autres… Regardez-le.la bien, son talent pour relativiser les choses (c’est pas si grave, non ?), son goût pour les belles choses et les compliments, son penchant pour l’harmonie et son désarroi devant les conflits. Pour lui.elle, la vérité peut-être inconfortable, c’est sa faiblesse. Donc c’est à l’autre de faire amende honorable, d’écouter, de prêter attention à ces moments où la pression le.la pousse à riper…
Après y’a les durs de durs, les ultras orthodoxes de la vérité, des principes et des lois… Bon bah au moins on sait à quoi s’en tenir, mais les trucs rigides, ça casse plus facilement, puis c’est moins fun 🙃

Alors bonne à dire ou pas ?!
Finalement c’est une question de point de vue, d’accord et surtout d’échange. Moi qui pense que tout coule et se crée dans le mouvement, je pense aussi que le mensonge c’est parfois l’huile qui permet de faciliter une transition, tant que c’est pour aller vers plus de bonheur…
“Mets de l’huile petit homme, dans la vie il faut qu’ça glisse…”

*Ghoster : mettre fin à une relation avec quelqu'un en interrompant soudainement et sans explication de toute communication.
*Friendzoner : Classer quelqu’un dans la case ami en dépit du désir sexo-emotionnel (non réciproque) qui l’anime.


Ils en parlent :

Que sait-on vraiment de la réalité ?
Un homme debout - Franck Lopvet
La moitié d’une pomme - Enzo Enzo
Sex friends - Richard Mèmeteau
Victime de la mode - MC Solaar

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